vendredi 16 avril 2010

Fast information


26 mars 2010, je poste une chronique Ethiopienne. Après quelques jours, une personne s’étonne de la deuxième photo, est-elle représentative du sud de ce pays ? A cet instant, je me sens démasquée. Car bien entendu, la réponse est non. C’est un cliché pris à Lalibela dans le nord du pays et connu par les orthodoxes comme un lieu de pèlerinage. Pourquoi ai-je usurpé, trompé, spolié mon lecteur ? C’est simple l’image me plaisait et je ne pensais pas qu’on se rendrait compte de la supercherie ! Cette anecdote amène mon entrée en matière pour dénoncer le suivisme ambiant dans les médias ainsi que l’opacité des informations sans oublier of course le manque d’investigation et ou de vérifications. Les médias vont mal, on le sait, mais cette recherche intempestive du scoop, ce besoin d’immédiateté, ne pourrait être une justification de ces dérives journalistiques. Il y a deux semaines France soir, journal hautement « sérieux », met à la Une, une photo de Johnny en vacances à St Barth, on crie au scoop, à l’information capitale et on apprend trois jours plus tard que ces photos datent en réalité de 2006. Pour un lancement de nouvelle formule, on appellera ça, un lancement de génie ! Mais question si l’information n’avait pas été relayée ailleurs, serions-nous au courant de cette imposture ? Non… De même, pas une semaine ne se passe sans que l’Express ou le Point, ne propose en Une des sujets bien souvent similaires… Qu’à cela ne tienne, le lecteur pourra donc choisir la plus belle couv, car le fond restera le même. Quel est le problème ? Juste le manque de moyens des rédactions ? Il est certain qu’on ne peut blâmer ces rédactions dépourvues de moyens qui laissent ces journalistes faire du desk plutôt que d’être sur le terrain, à leur place, quoi ! Du coup, les journaux télévisés, les journaux, radios, et internet se retrouvent avec les mêmes informations souvent peu exhaustives voire erronées sans qu’il y ait derrière une véritable recherche. Ceci entraîne un manque de pertinence bien souvent. Ok, ils répondent à la demande du lecteur qui, pouvant maintenant avoir accès soi-disant à tout veut des réponses rapides, il n’a pas le temps d’attendre une recherche approfondie, il veut encore une fois de l’immédiateté. Seulement voilà, l’erreur transparaît de plus en plus. Il y a une semaine, m’arrêtant sur le journal télévisé de … on nous explique que la police est à la recherche des hommes de l’ETA ayant tué un gendarme français et qu’elle aurait une piste... Après quoi et quelques jours plus tard, on apprend que ces mecs visibles sur les écrans de surveillance sont des pompiers passant leurs congés en France. Bien souvent et de plus en plus, les journalistes épousent les idées des enquêteurs, des sources dites officielles ainsi que des agences de presses… Mais où est la vraie recherche, celle qu’on est en droit d’attendre : Au point mort… le suivisme va plus loin avec le grand sujet de la burqa… sauf que le terme de « burqa » est uniquement utilisé en Afghanistan, reste très péjoratif et connote l’oppression. Eh bien, ce terme reste employé par tous les journalistes de France et de Navarre. Alors pour ceux qui voudraient connaître le terme pour notre problème bien français est : « Niqab ». Je suis désolée mais j’aime la précision !

vendredi 26 mars 2010

Amertume d’un pays perdu dans les abîmes de la civilisation



Après moult réflexions et interrogations sur la destination de nos vacances d’été, nous nous arrêtâmes avec mon partenaire sur une pérégrination en Ethiopie afin de suivre les traces d’Haïlé Sélassié, roi et libérateur en 1941, de la jouxte Italienne et, question plus pratique, pour avoir un point de chute à Addis Abebas chez mon oncle, expatrié pour raisons professionnelles. Le premier décalage eut lieu, aussitôt sortis de l’aéroport. Nous quittions une ville décimée et laissée en jachère pour entrer dans un monde, celui des expatriés, où les fastes et les passe-droits sont monnaies courantes. La belle villa au milieu des bidonvilles, les serviteurs désireux de combler nos moindres désirs m’ont tout de suite frappée et pourtant, connaissant déjà l’Afrique, cela aurait dû me laisser de marbre, mais pas cette fois. Les premiers instants sur la terre de la reine de Sabah ont été ponctués de fêtes au Hilton et Sheraton. Tous les clichés étaient réunis : Les « expats » traitant les locaux comme subalternes, adorant pourtant leurs femmes sublimes. A l’inverse, les éthiopiens, peuple splendide, le revendiquant à qui mieux-mieux, se délectaient de voir cette population de passage  se comporter de manière odieuse sous prétexte qu’elle « avait l’argent ». Deux mondes cohabitaient sans avoir de l’estime l’un pour l’autre. Mais n’est-ce pas un moyen très néocolonialiste de faire ressentir au plus faible la suprématie de l’être socialement installé ? Addis réputée ville de la nuit, où les fêtes sont parasitées par ces hordes de femmes sublimes venant se déhancher et offrant un instant de plaisir taxé, est reconnue par les occidentaux pour être la ville de tous les plaisirs bon marché ! Passées ces soirées de débauche, nous voulions voir du pays et partir à la rencontre des peuples « dits » nomades. Nous nous sommes donc  rendus chez  un tour opérateur (bien le choisir pour éviter tout désagrément !!). Après quelques négociations, nous quittions, le nord du pays pour le sud avec à bord d’un 4x4 flambant neuf, un guide et un chauffeur !
Au cœur de la vallée de l’Omo
Rien que le nom de cette vallée me faisait complètement fantasmer et je n’avais qu’une idée très naïve, avec le recul, être plus près de ces peuples nomades et de me sentir en complète immersion. Pourtant, dès le départ, nous pressentions déjà que tous nos idéaux seraient réduits à néant... Le cirque pouvait enfin commencer ! Dans ce trop « clinquant »  4 x4, nous laissions derrière nous, une monstrueuse poussière, sur plus de 2500 km en huit jours, qui se propageait sur tous les visages des personnes dépassées sur notre route. Les clichés photos se sont multipliés pour la plupart dans cet engin de malheur car, il faut savoir que le blanc est roi, le blanc aime l’indigène mais de loin, derrière les vitres teintées de sa voiture, il ne veut surtout pas se fatiguer et préfère rester dans l’auto avec une climatisation dernier cri : car oui l’homme occidental a horreur du soleil ! Notre premier arrêt fut chez les Dorzé, un peuple célèbre pour ses habiles tisserands, et l’architecture de leur habitation. Mais là où nous aurions préféré visiter le village d’une part et d’autre part, grimper par nous-mêmes cette piste vallonnée à plus de 3000m d’altitude, nous fûmes pris à partie par le complice de notre guide qui nous montra trois tisserands « locaux » donc intéressants à photographier pour nous, pauvres occidentaux, et visitâmes une maison « typique » ! Le guide ne fût d’aucune utilité car je pouvais me contenter de lire religieusement mon guide du routard si je ne voulais pas rentrer en communion avec ce peuple. Première déception. Après les Dorzé, là encore, nous essayâmes de découvrir la façon de vivre des Konzo. Ce peuple vit également en altitude à environ 2000m. Réputés bons cultivateurs, ils ont réussi à faire la culture en terrasse s’élevant jusqu’aux flancs des collines. Le plus étonnant et ce qui restera un souvenir profond fût de découvrir leur Waka, typique de leur culture et représentant des petits totems en bois sculptés érigés en des endroits visibles afin de commémorer des guerriers courageux ou des chasseurs émérites. Cette visite terminée, je me souviens de ces enfants courant après notre 4X4 toujours poussiéreux voulant juste une bouteille d’eau vide pour aller chercher l’eau dans les rivières…
L’horreur était à venir
Après des arrêts forcés pour se sustenter où là encore, l’occidental est pris pour un porte-monnaie ambulant, où il fallait payer l’addition du chauffeur et du guide (pas prévu normalement dans les conditions de voyage). Avant même ce départ en contrée Mursi ou devrais-je dire dans ce parc d’attraction, on nous prévint d’emblée : Ce peuple est actuellement toujours nomade et reste donc de facto peu éduqué, un scoot armé serait donc affrété pour nous accompagner en ces lieux hostiles, sic ! Alors là je pris peur, qu’est-ce que cela voulait dire ? Concrètement et avec un peu de recherches, ce peuple perd peu à peu du terrain et devra tôt ou tard se sédentariser pour vivre comme les gens du nord. D’ailleurs à cet effet, une autoroute en cours de construction et construite par les chinois est en train de relier le nord et le sud ! Digressions faites, l’abominable allait se produire. Arrivée, donc en terre Mursi, peuple où les femmes se font couper la lèvre inférieure de la bouche pour y mettre un plateau d’argile comme décoration esthétique. (A l’origine ces femmes fussent mutilées pendant l’esclavage pour ne pas subir les rixes possibles). Devant moi, un marché aux esclaves… des femmes, des enfants, des hommes, des êtres qui,  pour une devise sont prêts à s’exhiber comme des animaux, était pour moi un pathétique tableau de notre monde occidental où l’homme blanc choisit son sujet pour le photographier sous tous les angles et ramène le cliché chez lui afin de le montrer à ses semblables. Je ne blâme personne, d’ailleurs j’y étais, j’ai assisté à ces séances moribondes mais la haine et l’horreur se mêlaient au jugement. Je me souviens encore notre guide demandant à mon homme, laquelle il voulait… oui, laquelle comme ci ce n’était que de la marchandise… Je peux, à la rigueur les comprendre : ils ont compris malgré eux le business où l’argent compte plus que jamais… le vice va plus loin car on nous demande à nous occidentaux d’apporter des devises neuves car ces « indigènes » n’acceptent pas l’argent défraîchi !
Flashback
Avec le recul, je suppute que pour un tel voyage, seule l’immersion totale peut permettre de visiter un tel pays. Un pays riche en paysage et en végétation en coutumes et rituels, en langue et dialecte. Notre voyage peut paraître par ses anecdotes, raté, mais j’en garde un souvenir merveilleux. Mais, et j’en reste convaincue, aller à la rencontre de ces peuples, sans valises, ni devises, ni appareil photo resterait le meilleur moyen pour entrer en parfaite communion avec cette communauté, voire plus largement toutes les communautés du monde entier. Et pour les moins aventuriers, certains organismes vous proposent des voyages à la carte où vous choisissez réellement ce que vous voulez faire…