jeudi 12 janvier 2012

7 h sur mon balcon


Je me justifie tout de suite : En ce moment, pendant mes longues heures d’errance où la seule chose qui m’anime est celle de me trouver,  j’erre souvent sur ce balcon, terrasse, si je veux paraître plus snob, à regarder ceux qui passent…Et là, juste devant moi un marasme effréné, une fourmilière, est en action.  J’habite dans ce microcosme, qu’est le boulevard Barbès, vous savez là où en sortant vous êtes alpagué par des vendeurs de clopes contrefaites en vous scandant : « les gens, les gens, malboro, malboro…. ». Eh bien moi je ne vis  pas au Maghreb mais plutôt en Afrique noire près du marché de Château Rouge. Je me souviens de l’étonnement de mes proches quand je leur ai annoncé que j’allais vivre dans ce quartier, pour certains de perdition, pour d’autre de jungle urbaine ! Les « mais tu es folle, tu as vu ce quartier mal famé ?»  Ou les « tu n’as pas peur de rentrer seule le soir ? »  A ceux- là, j’aimais  rétorquer que je préférais vivre là où même à quatre du mat’ ma rue est animée plutôt que dans le très classe 16eme où à 20h, les rues sont désertes !
Bref donc de mon balcon, il est très exactement 10h30 et mon trottoir est déjà très animé. La poste est prise d’assaut ainsi que les distributeurs automatiques de ladite poste. Quand j’ai commencé à vivre ici, je me demandais pourquoi il y avait trente minutes de queue à ces distributeurs. J’apprendrai plus tard que ce sont juste des personnes qui n’ont pas pu avoir de compte dans une autre banque que celle-ci… Alors oui, une queue dantesque se forme sous mon nez… Les gens se parlent, les groupes se forment, les enfants chahutent en attendant que leurs parents retirent leur « or » !  De l’autre coté du boulevard, les magasins de cosmétiques « made in black » ne désemplissent pas… Vous savez, ces magasins où il y a toujours un vendeur embusqué pour vous demander même si vous avez la boule à zéro si : « mon frère, tu veux des tresses ? » .
12h00, je suis de retour sur mon balcon et en me penchant sur la balustrade, je peux apercevoir  les hommes appelés à la prière du vendredi. A cet effet, une rue est barrée, les fidèles sortent leur tapis et s’y agenouillent pour commencer leur prière. Les touristes s’arrêtent estomaqués, certains prennent des photos et les autres plus radicaux s’expriment comme suit : « attends, on laisse ces scélérats faire leur truc ici, normalement. La France a vraiment changé ! ».  
15hOO, une patrouille de flics s’arrête aux abords du marché de Château Rouge, laisse leur camion à proximité (sait-on jamais ?) et se met aux aguets : premier, puis deuxième contrôle… certains badaud crient à l’injustice, d’autres préfèrent déguerpir  avant que leur tour ne vienne.
18h00, l’entrée du métro est prise d’assaut par les vendeurs ambulants proposant aux badauds de faux sacs Gucci et Prada en tous genres… Les working girls, eh oui, il y en a dans le quartier, se mêlent aux zonards et aux prostituées qui commencent à se poster devant les différentes intersections du boulevard suivis de près par quelques crackers en manque de cailloux qui se dirigent vers la Goutte d’Or (haut lieu de la débauche !)…
21h00, une autre population prend place sur le boulevard, quelques bandes en manque de sensation viennent se restaurer au « Kébab-Pizza-Hamburger-Pâtes » du coin (oui oui, nulle part ailleurs vous trouverez un resto qui se permet d’écrire sur sa devanture qu’il est capable de tout faire) ! Des pisteurs l’air de rien attendent les panthères noires derrière l’abri bus. Quelques prostituées nigériennes hurlent à gorge déployée, on ne sait trop quoi, au sujet de on ne sait trop qui... en se tabassant, bien-sûr, à coups de sac à main et autres objets non identifiés dans l’obscurité : je suis toujours sur mon balcon. Finalement une patrouille, encore, s’arrête, essaie de rétablir un temps soit peu l’ordre, avant de repartir blasée par ces scènes du quotidien.
23h00
La pharmacie, elle, est toujours ouverte, comme tous les jours et ce jusqu’à deux heures du mat. Et, bien qu’en journée cette pharmacie soit sans problème, le soir venu, un autre décor prend lieu et place dans ce lieu ouvert si tard pour venir en aide aux junkies du quartier… Enfin, je devrais dire : se faire dévaliser par les junkies du quartier. Moi je mets les voiles, ferme les rideaux car ce spectacle vivant fait partie de mon quotidien. Pourtant, pour rien au monde, je changerais cette place de choix pour vivre comme un ermite Rive gauche… Là, la joie, la peur, la différence, s’emmêlent et s’entremêlent, tous les jours !